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Poème du jour : "Le Passé", Rosemonde Gérard

Photo du rédacteur: Irène de PalacioIrène de Palacio

"Les minutes les plus folles Font danser des coins de ciel."

Photographie de Rosemonde Gérard, c. 1900

Collection de Jean Rostand


Le Passé

Rosemonde Gérard, Féeries, 1933

Ô Passé, miroir bleuâtre,

Qu’il ne faut pas trop pencher ; Pauvre drame de théâtre Qu’on ne peut plus retoucher…


Le jardin avait des arbres Qui, tous, fleurissaient soudain ; Et les fleurs jonchaient les marbres Qui logeaient dans le jardin.


Quel enchantement demeure Dans le parc extasié ? Est-ce le parfum d’une heure ? Ou le parfum d’un rosier ?


Quel est ce rêve ineffable, Qui se cache au coin d’un bois ? Est-ce une lettre, une fable ? Ou le refrain d’une voix ?


Un agneau couleur de neige Passe dans l’air étonné En disant : « Comment l’aurais-je Su si je n’étais pas né ?… »


Chaque souvenir ressemble À l’instant qui lui fait mal… Quel est ce tulle qui tremble ? C’est une robe de bal.


La valse qui veut renaître S’aventure en chancelant… Fallait-il à la fenêtre Pencher un cœur si brûlant ?


La rose qu’on croyait morte Vient de refleurir soudain… Fallait-il ouvrir la porte Qui donnait sur ce jardin ?


Les minutes les plus folles Font danser des coins de ciel… Fallait-il, sur des paroles, Construire un rêve éternel ?


Dans l’ombre de la mémoire Quel désordre et quel danger ! C’est un peu comme une armoire Que l’on voudrait mieux ranger…


Fallait-il, sur cette route, Suivre un vent passionné ?… Non, peut-être… Mais, sans doute, Peut-il être pardonné


Le cœur à la tendre écorce Qui, du matin jusqu’au soir, Fit, avec sa faible force, Tout ce qu’il pouvait pouvoir !

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