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Symbolisme de l'Egypte ancienne, par Volney




Extrait de :

Comte de Volney (1757-1820)

Les Ruines




III. Troisième système. Culte des symboles, ou idolâtrie.



« Dès l'instant que le peuple agricole eut porté un regard observateur sur les astres, il sentit le besoin d'en distinguer les individus ou les groupes, et de les dénommer chacun proprement, afin de s'entendre dans leur désignation : or, une grande difficulté se présenta pour cet objet : car d'un côté les corps célestes, semblables en formes, n'offraient aucun caractère spécial pour être dénommés; de l'autre, le langage, pauvre en sa naissance , n'avait point d'expressions pour tant d'idées neuves et métaphysiques.


Le mobile ordinaire du génie, le besoin, sut tout surmonter. Ayant remarqué que dans la révolution annuelle, le renouvellement et l'apparition périodiques des productions terrestres étaient constamment associés au lever ou au coucher de certaines étoiles et à leur position relativement au soleil, terme fondamental de toute comparaison, l'esprit , par un mécanisme naturel, lia dans sa pensée les objets terrestres et célestes qui étaient liés dans le fait ; et leur appliquant un même signe, il donna aux étoiles ou aux groupes qu'il en formait , les noms mêmes des objets terrestres qui leur répondaient.


« Ainsi l'Éthiopien de Thèbes appela astres de l'inondation ou du verse-eau, ceux sous lesquels le fleuve commençait son débordement; astres du boeuf ou du taureau, ceux sous lesquels il convenait d'appliquer la charrue à la terre; astres du lion, ceux où cet animal, chassé des déserts par la soif, se montrait sur les bords du fleuve; astres de l'épi ou de la Vierge moissonneuse, ceux où se recueillait la moisson ; astres de l'agneau, ceux où naissent ces animaux précieux : et ce premier moyen résolut une première partie des difficultés.


« D'autre part, l'homme avait remarqué, dans les êtres qui l'environnaient, des qualités distinctives et propres à chaque espèce ; et, par une première opération, il en avait retiré un nom pour les désigner; et par une seconde, il y trouva un moyen ingénieux de généraliser ses idées ; et, transportant le nom déjà inventé à tout ce qui présentait une propriété, une action analogue ou semblable , il enrichit son langage d'une métaphore perpétuelle.


« Ainsi le même Ethiopien ayant observé que le retour de l'inondation répondait constamment à l'apparition d'une très belle étoile qui, à cette époque se montrait vers la source du Nil, et semblait avertir le laboureur de se garder de la surprise des eaux, il compara cette action à celle de l'animal qui, par son aboiement avertit d'un danger , et il appela cet astre le chien, l'aboyeur (Sirius).



Sothis, déesse de l'étoile Sirius, guidant le Bateau Solaire



De même, il nomma astres du crabe ceux où le soleil, parvenu à la borne du tropique, revenait sur ses pas, en marchant à reculons et de côté, comme le crabe ou cancer; astres du bouc sauvage ceux où, parvenu au point le plus culminant du ciel, au faîte du gnomon horaire, le soleil imitait l'action de l'animal qui se plaît à grimper aux faîtes des rochers; astres de la balance, ceux où les jours et les nuits semblaient en équilibre comme cet instrument ; astres du scorpion, ceux où certains vents réguliers apportaient une vapeur brûlante comme le venin du scorpion.


Ainsi encore, il appela anneaux et serpents la trace figurée des orbites des astres et des planètes; et tel fut le moyen général d'appellation de toutes les étoiles, et même des planètes prises par groupes ou par individus, selon leurs rapports aux opérations champêtres et terrestres, et selon les analogies que chaque nation y trouva avec les travaux agricoles et avec les objets de son climat et de son sol.


(...)


Les Égyptiens, dit Hor-Apollo, désignent l'éternité par les figures du soleil et de la lune. Ils figurent le monde par un serpent bleu à écailles jaunes (les étoiles ; c'est le dragon chinois).


S'ils veulent exprimer l'année, ils représentent Isis, qui dans leur langue se nomme aussi Sothis, ou la canicule (petit chien, Sirius), première des constellations, par le lever de qui l'année commençait.


Son inscription à Sais était : C'est moi qui me lève dans la constellation du chien.



Représentation de la déesse Sothis.

Tombe du pharaon Séthi Ier.



Ils désignent un prophète par l'image d'un chien, attendu que l'astre-chien {Anoubis) annonce par son lever l'inondation.


Ils peignent l'inondation par un lion, parce qu'elle arrive sous ce signe ; et de là, dit Plutarque, l'usage des figures de lion vomissant de l'eau à la porte des temples.



Lion crachant de l'eau

Fontaine de Moïse à Rome, Italie



« Ils expriment Dieu et la destinée par une étoile. Ils représentent aussi Dieu, dit Porphyre, par une pierre noire parce que sa nature est ténébreuse, obscure. Toutes les choses blanches expriment les dieux célestes, lumineux; toutes les circulaires expriment le monde, la lune, le soleil, les orbites; tous les arcs et croissants, la lune.


Ils figurent le feu et les dieux de l'Olympe par des pyramides et des obélisques (le nom du soleil, Baal, se trouve dans ce dernier mot; le soleil par un cône (la mitre d'Osiris); la terre par un cylindre ( qui roule); la puissance génératrice (de l'air) par le phallus, et celle de la terre par un triangle, emblème de l'organe femelle.


« Le limon, dit lamblique, désigne la matière, la puissance générative et mitritive ; tout ce qui reçoit la chaleur, la fermentation de la vie.


« Un homme assis sur le lotos ou nénuphar désigne I'esprit moteur (le soleil), qui, de même que cette plante vit dans l'eau sans toucher au limon, existe pareillement séparé de la matière, nageant dans l'espace, se reposant sur lui-même; rond dans toutes ses parties, comme le fruit, les feuilles et les fleurs du lotos. (Brahma a des yeux de lotos, dit le Chaster Néardisen, pour désigner son intelligence, son oeil, qui surnage à tout, comme la fleur du lotos sur l'eau.)



Le dieu Horus assis sur un Lotus

(664/332 BC)



Bouddha assis sur un lotus

Inde, c. 1000.



Un homme au timon d'un vaisseau, continue lamblique, désigne le soleil qui gouverne tout.

Et Porphyre nous dit que c'est encore lui que représente un homme dans un vaisseau sur un crocodile (amphibie, emblème de l'air et de l'eau.)



« A Éléphantine on adorait une figure d'homme assis, de couleur bleue, ayant une tête de Bélier, et des cornes de bouc qui embrassaient le disque ; le tout pour figurer la conjonction du soleil dans le bélier avec la lune. La couleur bleue désigne la puissance attribuée à la lune dans cette conjonction, d'élever les eaux en nuages.



Le dieu Khnoum



Khnoum, Séthi 1er et Amon (Tombe de Séthi 1er à Abydos)



« L'épervier est l'emblème du soleil et de la lumière, à raison de son vol rapide et élevé au plus haut de l'air, où abonde la lumière.


Les Égyptiens, ajoute-t-il, peignent le monde par un scarabée, parce que cet insecte pousse à contre-sens de sa marche une boule qui contient ses oeufs, comme le ciel des fixes pousse le soleil ( jaune de l'oeuf) à contre-sens de sa rotation.



Le dieu Noun portant la barque des divinités.



Ils peignent le monde par le nombre cinq, qui est celui des éléments, savoir, dit Diodore, la terre, l'eau, l'air, le feu et l'éther ou spiritus (ils sont les mêmes chez les Indiens) ; et, selon les mystiques, dans Macrobe, ce sont le Dieu suprême ou premier mobile, l'intelligence ou mens née de lui, l'âme du monde qui en procède, les sphères célestes et les choses

terrestres. De là, ajoute Plutarque, l'analogie de pente, cinq (en grec), à Pan, le tout.


L'âne, dit-il encore, désigne Typhon parce qu'il est de couleur rousse, comme lui ; or. Typhon est tout ce qui est bourbeux, limoneux (et j'observerai qu'en hébreu, limon, couleur rousse, et âne, sont des mots formés de la même racine hamr).


De plus, lamblique nous a dit que le limon désignait la matière, et il ajoute ailleurs que tout mal, toute corruption viennent de la matière ; ce qui, comparé au mot de Macrobe, tout est périssable, sujet au changement dans la sphère céleste, nous donne la théorie du système d'abord physique, puis moralisé, du bien et du mal des anciens."



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