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Photo du rédacteurIrène de Palacio

Représenter la guerre : Gaëtan Dumas, entre poésie et illustration


Autoportrait de Gaëtan Dumas, paru dans la "Revue trimestrielle des Amis du Musée de peinture de Bordeaux" à l’occasion de la mort de l'artiste.



Poète oublié, photographe et peintre reconnu, Gaëtan Dumas (1879-1950), artiste aux dons multiples, fut apte à dépeindre la guerre de manière variée. Marseillais d’origine, très influencé par le félibrige, il vécut et mourut à Bordeaux.

Dans les années 20, après avoir fait paraître Les Lauriers rouges. Poèmes de guerre 1914-1918 (1918), il exposa ses toiles dans divers Salons, dont celui des Indépendants. Ces expositions lui valurent une certaine notoriété aux alentours de 1925. Dumas sut jouer de son étiquette d'artiste polyvalent ; il publia par exemple un recueil intitulé Poésies de Gaëtan Dumas peintre (Librairie de la Balance, 1930). De la même façon, la monographie qui lui fut consacrée après sa mort, en 1956, a pour titre Gaëtan Dumas peintre et poète (collection Carnets d'atelier, chez Raymond Picquot, à Bordeaux).

De fait, la guerre lui inspira des œuvres picturales et littéraires. Et il ne se contentait pas de décrire l’univers des tranchées ; il sut aussi saisir des moments pathétiques, susceptibles de susciter l’indignation, telle l’exécution arbitraire de ce couple de villageois français :



Gaëtan Dumas, "Exécution d'un couple par des soldats allemands"

1915



Ou encore, combat de David contre Goliath, cette caricature germanophobe mettant en valeur le courage d’un petit garçon. Un symbole, à l’orée de la guerre (le dessin est daté d'août 1914), du combat de l’innocence contre la monstruosité :



Gaëtan Dumas, "Enfant faisant face à des soldats allemands avec un fusil de bois"

1914



De même, Les Lauriers rouges, dont le titre rappelle Le Laurier sanglant du poète Jacques Normand dans son mélange de symbolisme héroïque et mortifère, ne se contente pas de dépeindre des scènes de guerre. Les poèmes proposent aussi des images de la vie quotidienne, loin des tranchées, et des récits en vers, tel l’hommage à « L’école sous les obus », dédié « A Mademoiselle Flouriaux, Directrice d’école à Reims. »

Pendant la guerre, Gaëtan Dumas publie ses poèmes dans diverses revues ; ils seront repris en recueil en 1918. Ainsi, la Gazette de Biarritz du 4 mars 1916 contient un poème inspiré par une lettre écrite à sa mère par un jeune instituteur, juste avant de mourir au Front. Dumas opère alors un travail de transposition de la lettre en prose dont il tire quinze quatrains, faisant alterner alexandrins et hexasyllabes (« La lettre à la maman »). Autre exemple, similaire : le 20 octobre 1916, La Liberté du Sud-Ouest consacre une demi-page à une poésie émouvante de Dumas, « Le Cahier sublime » (devenu « Le Carnet sublime » dans Les Lauriers rouges) soulignant la grandeur d’âme d’un lieutenant écrivant ses derniers mots sur un carnet, en se mourant. « Ce fait héroïque est absolument authentique », ajoute le poète, comme pour minorer son propre rôle en se contentant de celui de truchement, et de témoin de la vaillance de ses camarades.

Le poète prête en effet volontiers sa plume à ceux qui souhaitent témoigner sans en avoir nécessairement l’aptitude littéraire... Un autre exemple frappant est le « Dialogue nocturne (Anant alterna camenae) », inspiré par une chanson composée au front par un sergent, — « brave poilu », précise Dumas —, qui l’avait modestement signée « A.B.C.D ». « A la première lecture de sa composition, j’ai été vivement frappé par le dramatique du sujet, et j’ai composé séance tenante les strophes qui forment le dialogue. »


Plusieurs rétrospectives eurent lieu après sa mort, notamment à l’instigation de sa veuve, qui multiplia les actions en vue de la reconnaissance et de la diffusion de l’œuvre de son mari. Elle offrit notamment certaines toiles au musée du Petit Palais. C’est elle aussi qui publia chez Picquot les « Carnets d’atelier » de Gaëtan Dumas, publication pour laquelle elle obtint d’ailleurs une médaille d’argent.



Gaëtan Dumas, "La grande bataille"

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