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Georges Pancol, poète-philosophe

Dernière mise à jour : 2 mars

"Je me rappellerai le profil des bois, la masse des collines, le dôme du ciel, les odeurs familières et je songerai : je suis passé là, lycéen ; je suis passé là, étudiant ; je suis passé là, homme — et toujours caressé des mêmes rêves et des mêmes espoirs. J'y ai été souvent joyeux, et plus souvent triste. Ma vie tient dans quelques taches de couleur."

Georges Pancol, « Lettres à la fiancée 1911-1915 », in Poèmes, Journal, Lettres (1923)





Pas une ligne de lui ne parut de son vivant. Georges Pancol (1888-1915) a pourtant laissé derrière lui des textes admirables. Les uns retrouvés dans son Journal intime, les autres distillés dans ses lettres à Winnie, sa fiancée, et quelques superbes vers qui auraient eu leur place dans un recueil digne de ce nom : des vers — on en jugera sous cet article — d'un vrai, grand poète, sans doute promis à un bel avenir dans les Lettres si la guerre n'avait pas tout anéanti. Mort à vingt-sept ans, Pancol n'eut jamais vraiment le temps de se consacrer pleinement à l'écriture. Un projet de roman, ironiquement intitulé Échec, avorta très tôt, et il n’eut jamais le temps d'écrire la pièce de théâtre qu'il évoque dans son Journal quelques temps avant de partir à la guerre, « La Nièce de Monsieur Barbieux ». Plus songeur et contemplatif qu'homme d'action, hanté par la vieillesse et la mort (« Vieillir ! voilà la grande, la seule, l'irréparable souffrance »), il pensait peut-être, encore naïvement, « avoir le temps » — grisé par l'exaltation de la jeunesse qu'il aurait souhaitée éternelle. Comme le jeune poète Emile Despax, lui aussi disparu en 1915 dans les mêmes circonstances, et qui, après avoir publié un recueil, s'était tu quelques années dans l'espoir de perfectionner son œuvre, Pancol désirait sans doute laisser son talent mûrir davantage avant de songer à une éventuelle publication. Suivant le même destin funeste que Despax, la vie ne lui en aura pas laissé l'occasion.


Né à Villars-en-Pons, petite commune de Charente-Maritime, il avait vécu avec ses parents à Bordeaux. Après ses études secondaires, il avait quitté cette ville, pour laquelle il confessait n'avoir aucun attachement (« Bordeaux m'abêtit »), pour un court séjour de quelques mois à Nottingham en Angleterre. C'est durant cette période que la plupart de ses premiers textes furent rédigés. On les retrouvera dans Poèmes, Journal, Lettres (1923), seule édition regroupant les œuvres de Pancol [rééditée en 1996 aux Éditions Opales sous le titre Journal intime, lettres à la fiancée, poèmes, avec une préface de Michel Suffran. Suffran avait déjà consacré un chapitre à Pancol dans son grand livre-hommage, lui aussi réédité, en 2005, Sur une génération perdue (1966)]. Le Journal de Georges Pancol débute en 1909, il avait alors vingt-et-un ans. Les quelques poèmes que l'on a retrouvés sont, eux aussi, datés de 1909 à 1915.

Une fois rentré en France, il s'était installé dans la capitale et, sans grande conviction, s'était inscrit au concours d'entrée à l'École coloniale, aujourd'hui École nationale de la France d'outre-mer, où il fut reçu premier. Mais l'attention de Pancol était portée ailleurs ; vers les régions plus élevées de l'esprit et de la rêverie. Et, s'il avait fini par s’y forcer, même pour un temps, il n'avait jamais eu pour autant l'ambition de devenir fonctionnaire. « Voilà, il faut "vivre" ! Ah, misère, à quoi bon de vivre, si ce n'est que cela, si ce n'est que voler un moment de bonheur et remplir le reste de l'existence avec des nécessités et des devoirs ! » (lettre à Winnie, mai 1911).


« Winnie », c'est Winnifred S., jeune étudiante anglaise dont il avait fait la rencontre à Paris en janvier 1911. C'est à elle qu'il écrira ensuite ces longues lettres philosophiques retrouvées et publiées dans Poèmes, Journal, Lettres. Celui qui se décrivait lui-même « froid et renfermé » avait pourtant rédigé de très émouvantes missives à l'intention de cette femme, dont il était tombé amoureux. « Pendant mon habituelle flânerie sur le balcon, j'ai songé à toi. J'ai songé combien je t'aimais (...). Si tu pouvais seulement te voir comme tu es, Winnie, tu serais amoureuse de toi. On voit si clair en toi. Tu es si éloignée de tout ce qui est bas et mesquin. » Dans son Journal, il s’était confié sur la « saine influence » qu'elle avait eue sur « [s]a vie et [s]es pensées ». « Je ne suis plus ce que j'étais avant de la connaître », écrivait-il. « J'ai plus de volonté, plus de franchise, je me sens meilleur, grandi. » Winnie devait quitter Paris à Pâques de la même année. « Ah ! la lamentable tristesse des choses qui finissent ! » avait-il écrit quelques temps avant son départ… Il faut dire qu’ils avaient vécu une très douce vie pendant ces quelques mois, arpentant les rues de la capitale, allant écouter Bergson au Collège de France et voir Les Erinnyes de Leconte de Lisle à la Comédie Française, discutant, sans se lasser, de littérature, d’idées, d’art, du sens de l’existence. Un temps béni d’espérance, avant l’horreur à venir. Et pour le cérébral Pancol, d’une hauteur d’esprit incomparable, la grande intelligence de Winnie était un émerveillement.


Les dissemblances entre les Lettres à la fiancée et le Journal sont ténues. Les deux supports permettaient surtout au poète de développer ses idées, très affirmées, sur la vie, la mort, l’amour, l'avenir et la destinée de l'Homme… et sur la Poésie elle-même, bien sûr, dont il avait longuement développé, et à plusieurs reprises, ses propres définitions : « La poésie n'est pas faite pour exprimer les délicatesses ou les mièvreries, elle est faite pour exprimer les sentiments profonds, les harmonies latentes, les grandes idées dont on sent par moments passer le souffle large et qu'on veut pouvoir rassembler par les mots et par la musique d'un vers », ou encore « Au fond, la poésie française, la vraie, la grande, n'est pas autre chose que la prose, assujettie à un certain rythme et où les consonances à l'intérieur même du vers sont autrement importantes que la rime, car d'un vers elles peuvent faire un beau vers... ». Et, qu'il rédigeât pour lui-même ou qu'il adressât ses réflexions à Winnie, il restait obsédé par la vanité de toute chose, alternait entre l’indignation envers la vie, "horriblement pauvre", et l’émerveillement devant la beauté des étoiles la nuit ; trouvait parfois Paris "écœurant et stupide" mais se promenait dans la capitale avec des yeux éblouis, déambulant de longues heures au jardin du Luxembourg, aux Invalides, au Trocadéro, au parc Monceau. Il confiait ses opinions et ses observations avec tout le mordant de sa plume [« Elle représentait la médiocrité dans toute son horreur. On sentait qu'elle s'y cramponnait de toutes ses forces », écrit-il à propos d'une femme, « amie d'un de ses amis », qu'il ne pouvait supporter. « Voilà l’image de la vie : la jeunesse qui veut tout savoir, la vieillesse qui n’a rien appris », note-t-il un peu plus loin], consignait ses impressions de lecture [aimait profondément Maupassant et son Pierre et Jean, admirait La Colline inspirée de Barrès, « livre admirable », se plongeait volontiers dans la poésie de Musset et de Victor Hugo mais pas dans celle de François Coppée, et trouvait Maeterlinck « à cheval sur la simplicité et le ridicule »…]. Son Journal est, ainsi, profondément vivant, tout comme ses lettres, singulières dans leur forme. Et ses réflexions, pénétrantes dans leur sens et leur profondeur, sont toujours rédigées sans complaisance, sans fatuité.


Lorsque la guerre éclata, Georges Pancol se trouvait au Tonkin, en Indochine, où il avait été nommé élève-administrateur. Nous l'avons décrit « plus songeur et contemplatif qu'homme d'action » ; pourtant, si rien ne l'avait obligé à rentrer en France pour rejoindre les troupes armées, il s'en était fait un devoir. La différence avait été bien établie, pour lui, entre « l'action idiote », l'action pour l'action, le travail abêtissant de fonctionnaire, et la quête de sens, la noble idée de l'honneur. Le 26 septembre 1914, juste un an (moins un jour) avant d'être tué d'une balle dans la tête lors d'un assaut en Champagne, il avait confié dans son Journal être « dégoûté de ne pas être en France », et ne pas supporter l'idée de vivre « paisiblement », pendant que ses camarades risquaient leur vie sur le front. Il souhaitait les rejoindre. C’est ce qu’il fera, quelques mois plus tard. Son courage était exceptionnel, à la hauteur de ce qu’il écrivait à Winnie (« il ne faut pas croire à moitié à un idéal : il faut y croire de toute son âme, bêtement, instinctivement, profondément, orgueilleusement ») ; mais il n’était pas parti la fleur au fusil. « Quand cette guerre sera terminée, retrouverons-nous jamais l’insouciance et la gaité de jadis ? Aurons-nous le cœur à nous amuser et à jouir de la vie ? Tous les deuils et toutes les ruines ne pèseront-ils pas sur nous ? Lorsque tant de gens auront pleuré, pourrons-nous rire ? » Lorsqu’il écrivit cette phrase dans son Journal le 30 novembre 1914, le poète se doutait-il de sa portée symbolique ? Pouvait-il imaginer la torture des quatre années de conflit puis celle des années de reconstruction qui suivraient, et qu’il ne vivrait pas, les « années folles », l’étourdissement dans la joie et les célébrations pour oublier l’horreur ? Il s’agissait en tout cas d’une prémonition exceptionnellement lucide, alors qu’il était plutôt de coutume, en 1914, d’espérer que la guerre ne durerait pas. Rares furent en effet ceux qui purent percevoir si tôt les véritables conséquences de la grande Barbarie. La clairvoyance de Pancol s’illustre aussi dans cette autre entrée de Journal de décembre 1914 : « Mais, après tout, le grand avantage de la guerre n’est-il pas de ramener l’homme à une appréciation plus juste de la valeur de sa propre vie ? Valeur très négligeable en somme. Car il faut choisir : l’existence individuelle est tout, ou n’est rien. On croirait qu’elle est tout, mais si on était logique avec soi-même, on déserterait ; elle n’est donc rien ; la guerre le montre bien vite. »


Son départ pour le front avait été organisé pour mars 1915. « Et maintenant, je vais partir » sont les derniers mots de son Journal. Le reste est conté à Winnie, dans les Lettres. D’ailleurs, le 23 septembre 1915, deux jours avant sa mort, Georges Pancol avait eu le temps de lui griffonner un dernier mot :


« Dear old Winnie,


Merci de ta lettre du 17, que j'ai reçue hier.

La canonnade gronde partout : le temps est superbe et si doux.

Je n'ai aucun pressentiment funèbre ; comment le pourrais-je, par un tel soleil ?

Et pourtant ?

Comme le passé est loin et comme l'avenir est proche !


Good bye, darling. »





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Choix de poèmes


Fragment


Oublie tous les vieux mots de droit et de justice ;

Conserve dans ton coeur comme une cicatrice

L'âpre et muet dédain de la réalité ;

Que le Rêve soit le pays de ta pensée

Où ton âme changeante au hasard dispersée

Flotte comme un parfum dans une aube d'été.


Souviens-toi qu'un désir assouvi n'est qu'un leurre.

Ton idéal ne vaut que le temps qu'il demeure ;

Un but est un remords quand on l'a dépassé ;

Deviens semblable aux Dieux qui, paisibles, contemplent

A travers le silence et l'oubli de leurs temples

L'espoir dans l'avenir et l'oubli du passé.


Septembre 1909.



Lazare


Vous avez soulevé la pierre du tombeau ;

Vous m'avez appelé par mon vieux nom d'esclave ;

Que ne me laissiez-vous dormir paisible et grave ?

Car la mort était douce et le rêve était beau.


"L'oubli s'épaississait sur mon âme engourdit,

Et rien ne traversait le grand silence amer

Que la voix des sapins, chantant comme la mer,

Le soir, aux alentours de ma tombe attiédie.


"Et ceux qui revenaient des champs pleins de soleil,

Causant des travaux faits et des peines passées,

Parfois interrompaient les phrases commencées

Pour ne pas me troubler dans mon profond sommeil.


"De tous les vains espoirs qui, jadis, à ma lèvre,

Montaient dans un blasphème ou dans un repentir,

La nuit consolatrice avait su m'affranchir,

Comme une âcre boisson dissiperait la fièvre.


"Nul désir ne brûlait au fond de mes yeux clos ;

Les souvenirs gisaient dans la mort solennelle,

Ma chair se dissolvait sous la pierre éternelle.

Seigneur ! et l'air obscur allait blanchir mes os !


"Votre voix a troué mon rêve solitaire ;

Par-delà le tombeau l'appel a retenti,

Et je me suis levé, Seigneur, et j'ai senti

Peser encor sur moi l'étreinte de la terre !


"J'ai reconnu les sons, les parfums, les clartés,

Le rythme et la douceur de la vieille harmonie ;

Et j'ai marché vers vous, pâle, plein d'agonie,

Chancelant et hagard comme un ressuscité.


"L'horizon s'étendait, vaste, lugubre, immense ;

Et la foule en délire errait sur les chemins...

Oh ! la honte ! l'ennui ! L’horreur des lendemains !

Je vous aimais, Seigneur ! Est-ce ma récompense ?


« Oh ! L’éternel labeur, les moissons, les troupeaux !

L’esprit qui se souvient lorsque la chair oublie !

Le recommencement de l’ancienne folie !

La honte du travail et la peur du repos !


« J’ai regardé le sol, comme fait un homme ivre,

Et la foule, et la tombe où se crispaient mes doigts,

Seigneur ! Et j’ai senti, pour la deuxième fois,

L’angoisse de mourir et la terreur de vivre ! »


Novembre 1909.



Acceptation


Aimons, rions, pleurons, soyons forts, soyons lâches,

Faisons le bien, faisons le mal, éperdûment ;

Nos voluptés et nos regrets sont d’un moment,

Et l’implacable mort nous clouera sur nos tâches.


A quoi bon les travaux qu’on ne finira pas ?

A quoi bon les espoirs, les combats et les doutes ?

Ceux qui se traîneront après nous sur les routes

Effaceront demain la trace de nos pas.


Nul ne se souviendra des oeuvres que nous fîmes ;

L'histoire à d'autres noms mêlera notre nom,

Puis le temps jettera le même oubli profond

Sur nos tristes vertus et sur nos pauvres crimes.


Ni les plaintes, ni les désirs, ni les remords,

Ni l'ardeur de la foi, ni l'élan des prières,

Ni les amours patients qui les accompagnèrent

Ne nous arracheront à l'étreinte des morts.


Donc, pourquoi les regrets et pourquoi les blasphèmes ?

Rien ne peut retarder l'inévitable adieu ;

Que nous sert d'en savoir le moment et le lieu ?

Nous sommes des enfants qui pleurons sur nous-mêmes.


Hé bien ! Qu'il soit béni l'âpre et grave repos

Qui nous accueille après le travail de la vie ;

S'il est une espérance encore inassouvie,

Au moins dormira-t-elle en paix dans les tombeaux.


Les dieux ont déserté nos âmes orgueilleuses ;

Nul ne montre la voie au tournant des chemins.

C'est vers toi maintenant que nous tendons les mains,

Reçois-nous dans tes bras, Terre voluptueuse !


O Nature, prends en pitié tes fils maudits !

Mortes sont la foi vierge et la paix primitives,

Les hymnes qui berçaient les volontés craintives

Et le mensonge aimé des anciens paradis.


Seuls tes baisers profonds nous versent encore

Un oubli plus complet que toute guérison

Et, dès qu'il paraîtra, Terre, nous saluerons

Le soleil triomphal de ma suprême aurore.


3 octobre 1910.



1911


Rappelez-vous les matins clairs, près de la Seine ;

Rappelez-vous l'ombre du soir, sur les vieux ponts

Et le Louvre endormi, noir, dans la nuit sereine.

— Combien sont passés là, qui plus n'y passeront !


Rappelez-vous les quais obscurs, vers Notre-Dame,

Les quais déserts, baignés par la rumeur des eaux.

— Un clapotis joyeux comme un épithalame ;

Une lune, dans la rivière, en trois morceaux.


Rappelez-vous l'ombre livide, entre les arches,

Les piliers noirs et la fraîcheur du parapet,

Les bateaux endormis au bord des flots en marche,

Et Paris sommeillant près du fleuve inquiet.


Il a vu naître autour de lui la ville immense ;

Il a vu s'élever les maisons et les murs,

Surgir, fleurir, mourir deux fois les rois de France ;

Et voici qu'il attend l'aube des jours futurs.


Pour entendre la plainte interminable et sourde

Monter du fleuve en route et de l'âme des flots,

Nous aussi nous avons miré dans les eaux lourdes,

A notre tour, nos yeux qui demain seront clos.


Que les jours soient pesants, que les nuits soient obscures,

Tu marches à la mer du même élan profond.

Nous qui devons mourir, nous t'aimons, toi qui dures ;

Ton rythme nous console et ta voix nous répond.


Roule vers l'Océan nos désirs et nos rêves ;

Berce dans tes remous nos esprits agités.

Nous parlons d'avenir au seuil des heures brèves

Mais le présent qui meurt est déjà du passé.


Apprends-nous à l'aimer ce présent éphémère,

Masque éternel, couvrant les prochains désespoirs.

Que sert de regretter le bruit et la lumière,

A l'heure où sont tombés le silence et le soir ?


Se résigner, — et regarder couler la vie,

Calme et telle qu'un fleuve entre ses larges bords,

... Se mêler aux passants sur la route suivie...

... Et, le moment venu, mourir — comme on s'endort.


27 mars 1911.



Souffrir


Souffrir, — soit ! Mais pouvoir exprimer sa souffrance ;

N'être pas l'animal qui se courbe en silence Sous le fardeau brutal d'un joug mystérieux :

Être l'homme hautain qui juge et qui condamne,

Et qui dans sa raison orgueilleuse et profane

Se respecte lui-même avant de croire en Dieu.


Et puis, bien qu'on ne l'ait désirée ni choisie,

Bien qu'elle soit amère et courte, aimer la vie,

Dans ses formes, dans ses parfums, dans ses désirs,

Aimer l'espace immense où notre corps s'éploie;

Aimer le temps tueur de regrets et de joies,

Aimer ce qui veut naître et ce qui va mourir.


Aimer la chair fragile où l'âme se condense,

Le mensonge qui dort au fond de l'espérance,

Aimer les souvenirs et les illusions, Aimer tous les baisers et toutes les caresses,

Les étreintes, les démentis ou les ivresses

Et la beauté du monde en qui nous rentrerons.


Réfléchir l'Univers changeant dans ses prunelles,

S'acharner à bâtir des oeuvres éternelles,

Et rêver que son âme en est un élément ;

Puis, ayant reconnu la vanité des choses,

Dédaigner tout triomphe et toute apothéose,

Et saluer la Mort comme un couronnement !


Probablement entre 1913 et 1915.




Et cependant...


Et cependant, savoir que dans notre âme éteinte

La vie et ses désirs ne s'allumeront plus,

Savoir qu'on va fermer à la douceur des teintes

Les yeux où se miraient les grands horizons nus,


Que toutes les beautés seront abandonnées,

Et que d'un long sommeil interminable et noir

On dormira, pendant des millions d'années,

Sans rien sentir, sans rien aimer, et sans rien voir !


Probablement entre 1914 et 1915.



Epitaphe


Pour servir de nouveau tes desseins, ô Nature,

Je t'ai rendu le corps que de toi je reçus ;

Mais l'âme qui s'y vint loger par aventure,

Permets qu'elle repose, et ne l'éveille plus.


Ecrit sur le bateau allant vers Haïphong, août 1914.



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