top of page

Poème du jour : "La tristesse du vent", par Auguste Angellier

"Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?"

ree

Auguste Angellier (1848-1911)




La tristesse du vent

Auguste Angellier, Le Chemin des saisons (1903)

À Gaston Stiegler.


Que veux-tu répondre au vent qui soupire,

Au vent qui te dit le chagrin des choses,

Le trépas des lis, des lilas, des roses,

Et des clairs essaims gelés dans la cire ;

Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?


Il dit qu'il est triste et las de conduire

Le gémissement de tout ce qui souffre,

De frôler toujours ce qui tombe au gouffre,

De passer partout où la vie expire ;

Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?


Lui répondras-tu qu'un cœur peut suffire,

Un seul cœur humain chantant dans la joie,

Pour le consoler de sa longue voie

Sur les champs sans fin que l'hiver déchire ;

Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?


Où trouveras-tu ce cœur qui désire

Rester ce qu'il est en sa calme fête,

Le cœur qui n'ait point de douleur secrète,

Pour laquelle il n'est ni baume, ni myrrhe ;

Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?


Sera-ce ton cœur, et faut-il te dire

Que le vent prendrait sur tes lèvres closes

Un chagrin plus grand que celui des choses,

Et dans ton regard, un plus haut martyre ;

Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?


Alors réponds-lui, de ton cher sourire,

Qu'il ne frôle pas les âmes humaines,

S'il ne veut porter de plus lourdes peines

Que celles qu'il cueille en son vaste empire ;

Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?

© Anthologia, 2025. Tous droits réservés.

bottom of page