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Poème du jour : "Vieux monde brisé", par Max Jacob

"Mes yeux sont les lampes du Temps."


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Vieux monde brisé

Max Jacob

Poème publié pour la première fois en 1936 dans le premier numéro de la revue Le Pain Blanc. Repris ici dans l'anthologie poétique Actualités éternelles : poèmes (1996).




à Georges Caillé



Sous les caps du passé, océan sans rivage

je contemple un amour emporté par les vents.

Les troupeaux fugitifs en la nuit de mon âge

disparaissent. Mes yeux sont les lampes du Temps.


Terres mémoriales mes îles fortunées !

seigneurial délice, majestueux repos !

les rapides chevaux de mes vertes années

n'ont pas lassé mon cœur du bruit de leurs sabots.


J'ai tissé, j'ai tissé de vents et de paroles

un voile au long col gris tenu par les péchés.

De mon dernier portail il cache l'Acropole

et courbe vers le sol un casque empanaché.


As-tu faim de la terre ? Rêves-tu de royaumes ?

Changerais-tu de peau, de pays, de couleur ?

Deux fées se sont penchées pour enlever mon heaume

le fer de leur baiser cicatrisa mon cœur.


Qu'elle brille, la rouge, avec sa guipure !

Ses serviteurs criaient : «Le vieux monde est brisé ! »

Sa licorne au printemps, emprunte sa parure.

La deuxième licorne, les habits de l'été.


«Va ! tu sauras bientôt ce que l'âge contemple ! »

me disait l'autre fée nue sous un beau turban.

Elle était allongée sur les marches du temple

et me tendait un crâne d'or sur un cadran


Un triste et calme vent inconnu sous les astres

qui n'était pas venu d'horizons cardinaux

étendait sur le golfe le jour bas du désastre.

Le vieux monde est brisé, préparons les vaisseaux.



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Très belle présentation du poème sur le site de Jean de Palacio.

© Anthologia, 2025. Tous droits réservés.

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