Henri Alloend-Bessand : la nostalgie d’avant-guerre
Dernière mise à jour : 31 oct.
"Parmi les tombeaux neufs, à l’ombre des cyprès, par les chers souvenirs du bonheur ralenties, les veuves, sous le voile aux plis secs et discrets, dans l’ombre des cyprès, s’en vont l’âme flétrie."
"Parmi les tombes"
Henri Alloend-Bessand, Poèmes de guerre et non Poèmes guerriers, 1918
Henri Alloend-Bessand
Mobilisé en août 1914, à trente-huit ans, Henri Alloend-Bessand (1876-1955) publia en 1918, chez Crès, un recueil poétique intitulé Poèmes de Guerre et non Poèmes guerriers, où la nostalgie du passé et de l'avant-guerre coexiste avec la consignation des événements de la vie des tranchées.
Les poèmes sont datés et suivent un ordre chronologique auquel leur auteur semble tenir ; c’est ainsi qu’Henri Alloend-Bessand maintient en ouverture un poème revanchard de 1912, dont il admet l’inachèvement et la maladresse, mais qui s’inscrit dans la continuité des poèmes de guerre, puisqu’il la préfigure. Les vers de Poèmes de guerre et non Poèmes guerriers n’ont d’autre prétention que de fixer une heure, un moment, un sentiment d’amitié pendant le conflit, tel "Après une heure d’intime causerie", daté "Montgobert, avril 1916" et dédié "Au Capitaine Thomasson", dont voici un extrait :
Les fantômes aimés de celles qui sont chères
en le regard perdu de nos yeux demi-clos
passaient, et notre oreille au loin guettait l'écho
de voix que ranimait une vie éphémère. —
ou encore "A Reims", dédié à l’acteur Jean d'Yd (1880-1964), qui récita jadis le poème, et dont le talent fut salué par Alloend-Bessand.
Une autre fois, blessé par un éclat d’obus, le poète en profite pour composer un poème à l’hôpital de Rouen saisissant l’impression passagère mais obsédante d'un "Jour de neige", ouaté et mélancolique :
La terre est triste sous la neige ;
le ciel est gris et sans clarté :
mon coeur est sombre, et rien n'allège
la peine dont il est hanté.
Les flocons blancs tombent sans fin,
volant au vent devant ma vitre
serrés et froids, sinistre essaim
passant sans un frisson d'élytre.
(...)
Le regret du passé constitue, plus généralement, le thème principal de l’œuvre, et s’exprime en vers d’une facture classique mais non dépourvus de variété. Les tercets mélancoliques du poème sans titre "Le bonheur méconnu des heures monotones", aboutissant à un vers détaché ("Un rêve tout cela ?"), et sont représentatifs de la tonalité d’ensemble du recueil :
Le bonheur méconnu des heures monotones,
quand l'instant qui s'en vient, semblable au précédent
passe, banal un peu, mais sans rien qui détonne ; —
Çà et là, l’argot des tranchées actualise les scènes décrites, et restitue un peu de la familiarité des soldats ; c’est le cas du "Sonnet" sous-titré "Charbonné sur la porte de ma cagnat" et daté "Ravin de Soucy, mai 1916", qui dépeint un repas de fortune agrémenté par l'hospitalité chaleureuse de cette "communauté" de camarades de guerre :
Peut-être notre pain te semblera rassis ?
mais l’humeur est joyeuse, et le pinard qu’on sable